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Opération MILAN

Déjà dix minutes que je me suis assis sur le lit, je regarde dans le vide, encore une journée à patrouiller dans les périphéries de Lorville… Les cages à lapin qui nous servent de chambre sont vraiment dégueu. Je préfère être en poste dans un bâtiment de la flotte, au moins quand on frotte ça reste propre. Ici la pollution se dépose sur tous et tout le temps, quand on pense que des gens vivent ici toute leur vie… enfin ce qui leur reste.

À la suite d’une série de sabotage industrielle dans les parages de la capitale d’Hurston, le XIII corp expéditionnaire a été missionné pour renforcer la sécurité durant la préparation de l’intergalactique aerospace expo de 2948. Certains ont accusé les nationalistes, d’autre les anarchistes, bref, beaucoup de personnes ne voyaient pas d’un bon œil cette expo dans un endroit si pauvre, et craignaient des événements bien plus dangereux. C’est pour cela qu’une partie des forces d’autodéfense du  »XIII » a été déployée sur Lorville…

Sécuriser l’arrivée des VIP, accompagner les vaisseaux de luxe présentés par les différents constructeurs, contrôler les papiers… les sacs… conseiller l’utilisation ou non de filtre respiratoire… tout cela avec du matérielle de guerre sur le dos… bref, faire la sentinelle diplomatique c’est vraiment pas mon truc.

Oui, c’est bien payé, mais on est juste des agents d’accueil pour eux, en attendant que les forces privées d’Hurston Dynamics fassent le travail dans le démantèlement des risques d’attaque ou d’attentat… On aurait dû être affecté à cela, même les agents de sécurité nous snobent. J’ai pas vraiment à me plaindre, c’est plutôt calme comme travail mais j’ai  »un je ne c’est quoi » qui a du mal à se remplir en moi dans cette histoire.

Je me motive à me préparer, douche, rasage, dents, et me dis que je prendrai un repas à boire, pour mon petit-déj’, à la jolie vendeuse à côté du métro. Botte, casque, tout le barda, et on est parti. Sortis du bâtiment résidentiel je rejoins le métro dans le soleil levant auréolé de cette légère brume de particule d’acier ocre de plus en plus désagréable.

Plusieurs heures à garder une porte, avec deux autres camarades, porte qui, vus toute la corrosion qui l’entoure aurait du mal à s’ouvrir même avec un Scattergun. Mais bon… on guide patiemment les gens qui se perdent dans le quartier, on sourit aux habitants et on se fait chambrer par les forces locales qui passent. À chaque pas, mon orteil joue avec la petite déchirure de ma chaussette que je sens grandir jour après jour. C’est une pauvre activité qui me tient occupé… Bref une longue journée de plus s’annonce.

Un peu plus tard, sur nos mobiglace, on reçoit un message de notre officier supérieur. Je dois me rendre immédiatement aux spatioports pour récupérer un transporteur de troupe et aller le déployer de toute urgence à la Porte quatre de Lorville.

À peine le temps de réfléchir au trajet à faire, que mes camarades partent dans l’autre direction aux pas de course, sûrement une autre affectation d’urgence. Pas le temps de réfléchir, je me lance dans la direction du centre-ville à toute vitesse, utilise le mobiglace pour demander à l’intendance de préparer le vaisseau de transport pour le récupérer au plus vite sur les lieux.

Arrivé, le bruit vibre et rebondis sur les parois du hangar, et au milieu, le vaisseau transporteur de troupe, flanqué d’un fin liseré informant de son appartenance au XIII. Un Valkyrie, solide et fiable. Cet appareil a déjà fait ses preuves, permettant le déploiement de soldats et véhicules sur les champs de bataille.

Je monte à bord, ordonne l’ouverture des portes par le contrôle aérien du spatioport de la ville, et vole vers la zone de déploiement. Sur place je vois déjà deux autres Valkyrie qui embarque des troupes, du matérielle et trois URSA près au combat.

Je me pose sur la zone indiquée par les signes d’un des soldats sur place, ouvres les portes de la machine, laisse tourner le moteur et quitte mon siège pour aider au chargement. Au pied de l’échelle du pont supérieur, l’officier de la branche d’intervention, celui-là même qui m’a ordonné de venir, m’interpelle, et m’indique de remonter à mon poste de pilote.

Il m’accompagne en m’expliquant dans les grandes lignes les raisons de ce déploiement d’urgence. Que le chef de la sécurité d’Hurston dynamique a perdu le contact de son groupe d’intervention aux abords d’un avant-poste minier au nord-est, à une centaine de clik d’ici. De source sûre un rassemblement de pirates se retranche pour récupérer des données sensibles sur les serveurs de la compagnie, mais convaincus de pouvoir gérer lui-même, il n’a pas fait appel à nous, du coup, on va nettoyer la zone. Pendent le chargement des troupes, mon supérieur me montre sur la carte la direction à prendre, l’approche pour l’abordage des lieux et la manœuvre à appliquer.

« Dans les aires ta dénomination sera Yankee3. Sur les lieux on va se scinder en plusieurs sections pour prendre d’assaut la zone, comme on est en sous-effectif tu intégreras le peloton Alpha1, on sera en première ligne donc je trie ceux qui vont m’accompagner dans la mine. »

Je ressens les vibrations du Rover qui grimpe dans le Valkyrie…

J’intègre chaque phrase, chaque explication. Il me développe les manœuvres prévues une fois au sol et le peloton ou je serai intégré.

On entend un soldat du pont inférieur nous indiquer que les troupes sont prêtes, tout est OK, je peux fermer la soute.

Une fois l’ordre du décollage donné, les vaisseaux s’élancent et bousculent la poussière… elle s’élève dans de grands nuages boursouflés de cette terre de sable ocreux.

En lanterne rouge, je suis les trajectoires en rase-mottes, les collines couvrent notre approche, et après plusieurs minutes nous arrivons à la landing-zone.

À peine atterris les soutes s’ouvrent, les tout terrain de chez RSI sont déchargés, les soldats intègrent les différents pelotons, le matérielle et transféré et distribué selon les besoins, les mouvements sont harmonieux et rende les déplacements efficaces. Le ronronnement des moteurs, le cliquetis des chargeurs, la répartition de chaque unité, comme un fleuve qui se sépare face au rocher, pour chuter en cascade sur l’ennemi.

Le plan est simple, même assez basique, prendre l’installation de toute part et sécuriser le périmètre.

L’approche est lente, mais rien n’est mis de côté, à bord du blindé, l’officier nous tient au courant des faits et gestes des autres Alpha. On se rapproche de la zone, une architecture industrielle adossée à une large cheminée, tout autour, conteneurs et petites armatures ont été installés à la va-vite pour servir de couverture. L’ordre est donné de se séparer de notre protection mobile, les pilotes et artilleurs vont saper à distance les protections pirates quand de notre côté nous sillonnerons à travers les roches du désert pour nous rapprocher de la face avant de la structure. À chaque dizaine de pas, on entend les coups du double canon des blindés fendre l’air de ses lasers.

Arrivée à la base minière, les dépouilles des pirates et les protections bâclées n’ont pas fait long feu. De chaque angle, les différentes escouades coulent le long des murs, pour sécuriser les différents angles, et arriver à l’entrée principale.

Deux grandes portes lourdes à ouverture latérale, déjà entrouvertes et un peu déboîtées sur la base… l’intérieur est sombre, entremêlé de clignotement de LED de sécurité et de vapeur se dégageant des tuyaux qui s’allongent dans le coin supérieur du couloir. C’est un détaille que l’on a vu mainte fois à l’entraînement et sur différents champs de bataille. Deux soldats synchronisent le lancer de leur grenade de défense, une dans le couloir et une autre un peu plus à l’intérieur de la structure.

Les explosions sont sèches et simultanées, l’entrée rapide des troupes permet une sécurisation immédiate de l’entrée composée uniquement d’un gigantesque ascenseur industriel.

Les troupes contrôlent totalement l’extérieur de la bâtisse pour permettre le rapprochement des Valkyrie, renforcent la zone d’une possible contre-attaque, qu’elle soit aérienne ou terrestre, venant de la vallée asséchée.

Quelques minutes plus tard, Alpha1 s’engage dans l’élévateur, les patins des guides grincent un peu au démarrage ce qui provoque quelques vibrations sur la plate-forme qui glisse doucement vers le niveau inférieur. La première ligne est prête à affronter ce qui se présentera devant nous. La base du monte-charge a suffisamment de protection pour encaisser et notre armement est prévu pour inonder ceux face à nous…

Rien, aucune présence face à nous, on avance dans le couloir qui part à 90° sur notre droite, on se positionne dans les recoins, en vue de ce qui pourrait nous arriver dessus, tous les angles morts sont observés. Le Leader 1 indique la prise de position de l’équipe pour permettre aux autres unités de descendre à leur tour. La marche est lente, et le couloir donne sur une grande salle où l’on aperçoit le dessus d’une turbine au centre coiffée d’une cheminée qui se dresse et remonte jusqu’à l’extérieur du bâtiment. Des rambardes toutes autour indiquent la présence d’un étage inférieur, quelques pylônes renforcent la structure à quelque endroit, quand tout à coup, un mouvement derrière un poteau. Mon binôme engage la cible, quelques coups de feu, je le remplace dans son attaque pour qu’il puisse se déplacer, couvrir une meilleure zone, l’autre binôme fait de même, les premiers coups ont déjà fait mouche. Un silence… on entend dans le fond des bruits… voix roques, botte lourde qui claque sur les grillages du sol, cours vers nous. Les autres Alpha progressent sur les flancs pour couvrir plus rapidement les lieux. Chaque soldat à son instrument, l’ouverture commence…

On a l’avantage tactique on a qu’un couloir à viser, ils n’ont pas de ligne de vue, comme sur du papier à musique nous imposons notre mesure de progression, tire et déplacement, chaque agent du XIII couvre l’avancé des équipes adjacentes, tours à tours, les impacts, les lasers, et les déflagrations font reculer les adversaires, la chair à terre est enjambée, ce n’est qu’un prologue représentatif d’un ballet déjà fini… ils n’étaient pas assez préparés, leur partition est fausse et irrégulière…

Notre poème symphonique se termine dans la salle des serveurs… plus un mouvement… plus un bruit… que des cadavres… nos blessés se compte sur une main. Le reste de la zone est ratissé, quelque caisse de munition ici et là… le tour du complexe est vite fait, tout est nettoyé.

Le chef me donne une tape sur l’épaule… avant de se diriger de nouveau vers l’ascenseur. De simples citoyens vomiraient à la fin de cet opéra… mais nos ancêtres ont vécu les tempêtes de la mort pour nous permettre d’être là… à jamais nous leur devons bien plus que notre héritage… nous sommes liés aux plaines glacées éternelles, notre cœur est froid et la mort est notre manteau…

Arrivée à la surface, la plus par des équipes ont déjà fait le point sur les munitions et le matérielle récupéré dans l’affrontement. Les Valkyries, de retour se remplissent du butin, caisses et soldats… deux URSA retournent en direction de Lorville par leur propre moyen d’une cause de manque de place… je rentre dans le vaisseau d’Anvil, prends cette fois place avec les troupes… vers Lorville… je pense de nouveau à ma chambre… je recommence à jouer avec le trou de ma chaussette.

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